Date de sortie: 26 juin 2025
Développeurs: Kojima Productions
Éditeur : Sony Interactive Entertainment
Plates-formes : PS5
Genres :Jeu d’action
Prix: 89,99$
Quand Hideo Kojima livre une suite, il ne fait jamais les choses à moitié. Et Death Stranding 2, sous-titré officieusement On the Beach, le prouve encore une fois. À une époque où les jeux AAA carburent à la surenchère explosive, Kojima continue de s’aventurer là où peu osent aller : dans la solitude, la contemplation et le bizarre absolu.
Sorti en 2025 en exclusivité sur PlayStation 5, Death Stranding 2 n’est pas un jeu pour tout le monde. C’est une œuvre qui flirte davantage avec l’art interactif qu’avec les standards vidéoludiques traditionnels. Si le premier opus avait divisé les joueurs entre génie et absurdité, cette suite accentue tous les traits de caractère de son prédécesseur… pour le meilleur et parfois pour le pire.
Un récit étrange, mais viscéral
L’histoire de Death Stranding 2 reprend quelques années après les événements du premier jeu. Sam Porter Bridges (toujours incarné par Norman Reedus) a raccroché son sac à dos de livreur, mais l’équilibre fragile de ce monde morcelé est à nouveau menacé par une force mystérieuse émergeant des "plages", ces limbes entre la vie et la mort.
Kojima oblige, le scénario se déroule entre flashbacks, visions énigmatiques, discussions existentielles et délires métaphysiques. Il serait criminel de trop en dévoiler, tant la narration repose sur la découverte, le doute et la surprise. Mais disons que le jeu met plus que jamais en avant les liens émotionnels entre les personnages, et creuse des thématiques aussi ambitieuses que l’héritage, la souffrance collective, le pardon, et la rédemption à travers la connexion humaine.
On retrouve aussi Fragile (Léa Seydoux), Mama, et d’autres figures emblématiques, mais Death Stranding 2 introduit de nouveaux protagonistes qui volent parfois la vedette à Sam. Un certain "Drawbridge", un collectif mystérieux aux intentions ambiguës, joue un rôle central dans cette fresque où le monde réel et l’au-delà se confondent.
Une direction artistique à couper le souffle
Sur le plan visuel, Death Stranding 2 est un chef-d’œuvre technique. Exploitant pleinement les capacités de la PS5, le moteur Decima offre des panoramas à tomber par terre. Des plaines islandaises noyées de brume aux déserts rouge sang balayés par des tempêtes temporelles, chaque environnement est une peinture mouvante.
Les effets météorologiques sont à couper le souffle. Le retour du "Timefall", cette pluie qui accélère le temps et fait vieillir tout ce qu’elle touche, crée toujours autant de tension. Mais on sent que l’équipe a peaufiné l’expérience : les éclairages dynamiques, les textures, les animations faciales… tout respire le soin et la maîtrise.
Et que dire de la bande-son ? De retour, le groupe Low Roar nous envoie encore des frissons dans l’échine. Le sound design, mélange de sons organiques, mécaniques et spectraux, participe à l’atmosphère unique du titre. Le silence y est aussi puissant que la musique. On ne joue pas à Death Stranding 2, on l’écoute, on le ressent, on le traverse.
Un gameplay toujours contemplatif, mais enrichi
L’une des grandes critiques adressées au premier opus concernait son gameplay jugé trop "lent" ou "ennuyeux", où le joueur passait des heures à marcher, éviter les chutes et maintenir son équilibre. Kojima a entendu sans céder. Death Stranding 2 ne renie pas sa nature de simulateur de traversée post-apocalyptique, mais il propose des nouveautés bienvenues.
Parmi les ajouts les plus notables :
Un bras mécanique intelligent, appelé "Sparrow", qui aide à stabiliser Sam, transporter plus de colis ou même combattre. Une extension qui enrichit les déplacements sans trahir la philosophie du jeu.
Une embarcation nommée Magellan, qui permet de naviguer sur les eaux hantées des plages, introduisant des séquences semi-navales contemplatives, mais parfois inquiétantes.
Des options de construction avancées, qui permettent aux joueurs de créer non seulement des routes, mais aussi des structures sociales (postes de secours, abris communautaires, relais de messages), renforçant la dimension coopérative asymétrique déjà présente dans le premier volet.
Mais malgré ces nouveautés, le cœur du gameplay reste le même : aller d’un point A à un point B en surmontant les obstacles naturels et surnaturels, souvent dans la solitude, et en acceptant le temps comme un compagnon de route. Certains joueurs y verront une répétitivité frustrante. D’autres, une forme de méditation interactive. La vérité est que peu de jeux osent proposer une boucle aussi minimaliste avec une telle ampleur émotionnelle.
Un monde toujours connecté, même dans l’isolement
Comme dans Death Stranding, l’un des aspects les plus brillants du jeu reste cette connexion invisible entre les joueurs. Pas de multijoueur traditionnel, mais un réseau d’objets, de structures, de signes laissés par d’autres. On ne les voit jamais directement, mais leurs gestes nous sauvent, nous guident, nous encouragent.
Ce système de "likes" et de contributions anonymes prend encore plus de sens dans cette suite, avec un système de réputation et de mémoire : certaines structures persistent d’une partie à l’autre, en fonction de leur utilité collective. Il y a une vraie beauté à poser une échelle, repartir, puis revenir des heures plus tard pour découvrir qu’elle a sauvé des dizaines d’autres joueurs.
Une œuvre d’auteur... parfois trop
Malgré toutes ses qualités, Death Stranding 2 n’échappera pas aux critiques. Le jeu reste lent, introspectif, souvent verbeux, avec des cinématiques parfois interminables. L'histoire peut sembler hermétique, voire ésotérique, pour qui n’adhère pas au ton de Kojima.
Certaines séquences, notamment vers la fin, flirtent dangereusement avec le "too much", à coups de métaphores trop appuyées et de dialogues pompeux. Le jeu semble parfois vouloir nous écraser sous le poids de ses ambitions philosophiques, au lieu de simplement nous laisser ressentir ce qu’il essaie de dire.
De plus, bien que le gameplay ait été enrichi, il reste répétitif sur la durée. Les missions de livraison, malgré les variantes, finissent par se ressembler. Certains combats contre les entités échappées des plages (les fameuses BTs) manquent de renouvellement, malgré une mise en scène plus travaillée.
Donc, c'est un oui?
Death Stranding 2 est un jeu inclassable. Ce n’est pas une simple suite. C’est une déclaration artistique, une continuation d’un univers à part, une expérience qui ose ralentir quand tout va trop vite. Il fascine autant qu’il irrite. Il touche au cœur ou laisse froid, mais il ne laisse jamais indifférent.
Kojima signe ici une œuvre imparfaite, mais profondément personnelle. C’est un jeu qui demande de la patience, de la sensibilité, et surtout, de la curiosité. Il ne récompense pas le joueur pressé, mais gratifie celui qui accepte de marcher longtemps sans savoir où il va.
+ Une direction artistique magistrale, à la fois réaliste et onirique, servie par une technique impeccable.
+ Une narration profonde, riche en symbolisme et en émotions, qui pousse à la réflexion sur la mort, les liens et la mémoire.
+ Un système de jeu asymétrique unique, qui sublime la connexion entre joueurs sans jamais les réunir.
- Un rythme volontairement lent, qui peut paraître soporifique ou frustrant pour certains.
- Des séquences narratives parfois trop verbeuses, au point de diluer l’émotion derrière le discours.
- Une certaine redondance dans les mécaniques de livraison, malgré les efforts d’innovations.